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18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 13:36

Il convient de remettre un peu d'ordre concernant le tollé qui a eu lieu ce vendredi 13 juin 2014 dans l'actualité du droit de la modification du contrat de travail. On trouve sur google et dans les médias traditionnels un titre fracassant : « l'employeur peut modifier unilatéralement votre contrat de travail ».
En réalité, les données sont bien plus complexes que cela.
Deux arrêts du 12 juin 2014 de la Chambre sociale de la cour de cassation sont venus préciser que la modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail peut, dans certains cas, ne pas être fautive. Ou tout le moins, ne pas constituer un manquement suffisamment grave pour justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Cette solution peut être étendue au domaine de la prise d'acte, qui exige une faute d'une gravité suffisante pour justifier une rupture aux torts de l'employeur.

Ce que dit seulement cette solution, c'est qu'une modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur ne saurait, à elle seule, justifier une rupture aux torts de ce dernier. Mais elle ne dit pas que le chef d'entreprise n'est pas fautif dans ce comportement et est en droit d'imposer une telle modification de son contrat au salarié :

 

http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000029081219&fastReqId=1288266749&fastPos=2&oldAction=rechJuriJudi

 

http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000029081046&fastReqId=1192748050&fastPos=12&oldAction=rechJuriJudi

 

Centrer le débat en matière de modification du contrat de travail

 

La question de l'arrêt renvoie à une modification unilatérale imposée par l'employeur à son salarié. Dès lors, il faut écarter les deux écueils qui peuvent apparaître sur la question. Il s'agit d'une modification contractuelle du contrat de travail imposée par l'employeur à son subordonné. Il n'est donc pas question de savoir s'il y a une polémique entre savoir si la notion est une modification ou un simple changement des conditions de travail, il s'agit d'une modification du contrat de travail (la question entre la distinction des deux est encore en débat dans les tribunaux, et les raisons des distinctions sont encore discutées en doctrine). Il ne s'agit pas non plus de savoir quelle est la source de la modification. On ne modifie pas de la même manière un élément qui trouve sa source dans les dispositions conventionnelles, qu'un élément qui trouve sa source dans le contrat lui-même. Ici, pas d'équivoque, l'élément modifié unilatéralement par l'employeur est à l'évidence contractuel.

 

Depuis le milieu des années 80, l'employeur doit accueillir l'assentiment du salarié s'agissant de ce qui s'analyse depuis 1996 en une modification du contrat de travail (Soc. 10 juillet 1996). « Le salarié qui se voit imposer une modification unilatérale de son contrat de travail et qui ne choisit pas de faire constater que cette voie de fait s'analyse en un licenciement, est fondé à exiger la poursuite de son contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur » (Soc. 26 juin 2001).

 

L'équivoque se fondait sur l'idée de savoir si la modification à elle seule pouvait se suffire à elle-même pour justifier un licenciement sans cause réelle et sérieuse....

 

Il était constant que la modification unilatérale du contrat produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, peu importe qu'elle fonde une prise d'acte ou une résiliation judiciaire à l'initiative du salarié (voir notamment Soc. 2 juin 2010, 09-40215 pour une prise d'acte, Soc. 10 octobre 2007, 04-46468 pour une résiliation judiciaire). La modification unilatérale du contrat était donc sans débat fautive et un manquement d'une gravité suffisante pour justifier que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il s'agisse d'une prise d'acte ou d'une résiliation judiciaire (les deux modes de ruptures exigent tous deux un manquement d'une gravité suffisante).

 

Le manquement d'une gravité suffisante est toutefois laissé à l'appréciation des juges du fond

Toutefois, il y avait une porte de sortie : l'appréciation du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond (Soc. 15 mars 2005, 03-41555). Il se pouvait donc que des juges du fond décide qu'une modification unilatérale du contrat ne constitue pas un manquement d'une gravité suffisante justifiant que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (pour rappel, dans la prise d'acte, si ce n'est pas le cas la rupture s'analyse en une démission. Dans la résiliation judiciaire, si ce n'est pas le cas, le contrat continue de produire ses effets).

 

En réalité, la question n'était pas de savoir si la modification unilatérale est en soi fautive, elle l'est comme le dit très clairement l'arrêt de 2001. La question était de savoir si elle était suffisante pour justifier à elle seule la rupture du contrat aux torts de l'employeur.

 

Pas d'effet de la modification sur la poursuite du contrat de travail

Ce que nous apporte cet arrêt est que si la modification unilatérale par l'employeur n'empêche pas la poursuite du contrat de travail (faible …. ….), la résiliation judiciaire qui se fonde dessus n'emporte pas rupture aux torts de l'employeur. En revanche, si c'est le cas, comme dans l'arrêt du 26 mars 2014 où la suspension du contrat empêchait la poursuite du travail, il y avait bien manquement d'une gravité suffisante (http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000028798076&fastReqId=1788226358&fastPos=1&oldAction=rechJuriJudi)

. Ce sont les conséquences de la modification donc qui vont permettre de déterminer si le manquement justifie la rupture aux torts de l'employeur, au travers du critère de la poursuite du contrat de travail.

 

Mais pour autant l'employeur demeure fautif

Il n'en demeure pas moins que ce comportement est fautif, et en présence d'une modification unilatérale imposée par l'employeur, le salarié pourra exiger la poursuite du contrat aux conditions initiales et ne sera nullement tenu d'exécuter le contrat aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur (Soc. 26 juin 2001). Tout ce qu'il faut retenir c'est que la modification unilatérale ne justifie pas à elle seule une rupture aux torts de l'employeur. 

 

 

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commentaires

M
Bonjour,<br /> En effet Lorsqu’un élément du contrat de travail par nature essentiel, ou jugé essentiel par le salarié et l’employeur lors de la conclusion du contrat, est affecté, il y a modification du contrat de travail.<br /> En cas de contentieux sur l’existence ou non d’une modification du contrat de travail, l’interprétation de la commune intention de l’employeur et du salarié appartient au juge du fond.<br /> Merci pour cet article qui résume au mieux une information médiatiquement déformée.
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A
Merci à vous :)
C
J'ai lu ces articles et je trouvais ça étrange justement... J'ai bien fait d'effectuer quelques recherches ! Merci pour ces précisions :)
Répondre
L
<br /> <br /> content que ça ait pu t'éclaircir les choses.<br /> <br /> <br /> merci du commentaire :)<br /> <br /> <br /> <br />

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