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24 novembre 2023 5 24 /11 /novembre /2023 09:41

La jurisprudence est essentielle à la compréhension du droit.

C'est pourquoi il est indispensable de savoir bien lire un arrêt de la Cour de cassation.

L'exercice dans les premières années d'université de réaliser des fiches d'arrêt constitue le premier pas systématique pour comprendre le droit positif.

 

Des remarques s'imposent donc, pour bien lire un arrêt. 

 

 

 

Pour exemple, vous pouvez prendre connaissance de cet arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, du 15 novembre 2023 (n°22-15.071, inédit)

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048430290?init=true&page=6&query=&searchField=ALL&tab_selection=juri

 

 

C'est un arrêt d'espèce sur la prescription en matière de créance salariale.

 

 

  • Lire l'arrêt complètement, chaque détail compte !

 

Je vous invite à lire chaque élément de l'arrêt, de l'introduction à la conclusion, car il apporte son lot de précisions utiles.

Utiles sur la procédure, les dates des différentes occurences, les noms des parties, et enfin qu'est-ce qui est cassé et renvoyé devant une autre cour d'appel. Qu''est-ce qui au contraire est rejeté...

 

Par exemple, dans cet arrêt, la salariée a formé un pourvoi car la Cour d'appel avait rejeté ses demandes de salaires de 2009 à 2010 car elle estimait ces  dernières prescrites. La Cour de cassation n'est pas d'accord, en droit, et casse donc cette solution.

 

Mais, l'affaire sera renvoyée sur ce point uniquement devant la Cour d'appel de Paris pour un nouvel examen. 

 

Ce renvoi lié à la cassation n'empêche pas à la décision de condamner dans le même temps la partie adverse à des sommes : les dépens, 3000 euros au titre de l'article 700 CPC.

 

Il faut bien donc mesurer la portée la cassation qui intervient.

 

 

  • Distinguer les arrêts de cassation des arrêts de rejet

 

Dans un arrêt de cassation, la Cour donne raison au pourvoi (le demandeur) en censurant la décision rendue par la Cour d'appel.

 

Elle ne rejette pas forcément l'argumentation de la Cour d'appel. L'argumentation de la Cour d'appel est à trouver dans l'arrêt d'appel lui-même, tout comme les faits et l'appréciation qui en est faite. 

 

De plus en plus, la Cour de cassation donne la motivation de ses solutions, ce qui permet de mieux comprendre pourquoi elle censure des arrêts de Cours d'appels. Ceux-ci peuvent commettre des erreurs.

 

Et la Cour de cassation est là pour juger les erreurs de droit commises, et non les faits (ce n'est pas un 3ème degré de juridiction). L'arrêt de cassation s'identifie le plus souvent par un visa et un châpeau.

 

Dans un arrêt de rejet, le moyen du pourvoi (l'argumentation du plaideur) est rejeté. Dans cette hypothèse, l'affaire s'arrête là et n'est pas renvoyée devant une autre cour d'appel (le demandeur peut être condamné aux différentes sommes de la procédure).

 

C'est que la Haute Cour a estimé que le moyen, dans ses différentes branches le cas échéant, n'était pas convaincant au point de remettre en doute ce qui a été décidé par les juges du fond.

 

 

  • Savoir identifier les différents arguments

 

 

A la lecture d'un arrêt, dont la présentation est très codifiée par la Cour de cassation, il ne faut pas confondre les différents arguments des différents intervenants.

 

Il faut distinguer la position de la Cour d'appel, le moyen du pourvoi et la solution de la Cour de cassation, sans les mélanger...

 

Ainsi, il peut être utile pour mieux comprendre, de surligner les différents éléments.

 

En jaune, vous surlignerez les faits, en gris la procédure, en vert la position de la Cour d'appel (ou des juges de première instance), en bleu le moyen du pourvoi, en rouge la motivation et la solution de la Cour de cassation. 

 

 

Une fois cet exercice fait, vous pourrez plus nettement comprendre l'arrêt. Ces précisions faites, je vous propose un résumé de l'arrêt mentionné en exemple plus haut.

 

 

  • Fiche d'arrêt : Soc. 15 novembre 2023 (n°22-15.071) distinction entre prescription de l'action et prescription du droit en matière de créance salariale (dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013)

 

Mme B a été engagée en qualité de professeur de danse stagiaire par une association de danse. Le 17 septembre 2012 celle-ci lui a fait signer un contrat à durée indéterminée intermittent. Le 7 septembre 2013, la salariée a été licenciée pour absence de diplôme ou de qualification pour exercer en tant que professeur de danse.

 

Elle a alors saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à son contrat de travail, le 22 janvier 2014.

 

La Cour d'appel de Paris par arrêt du 27 octobre 2021, a rejeté les demandes de la salariée considérées comme prescrites concernant les rappels de salaires du 22 janvier 2009 au 10 septembre 2010. Selon elle les demandes salariales dépassant les trois années précédant la rupture du contrat de travail étaient irrecevables.

 

La salariée a alors formé un pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, estimant cette interprétation non conforme aux dispositions transitoires sur la prescription des créances salariales de l'article 21 V de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et de l'article L.3245-1 du code du travail.

 

Selon elle, les créances nées antérieurement à la promulgation de la loi du 14 juin 2013 restaient soumises à la prescription de 5 ans, dans la mesure où l'action a été exercée dans le nouveau délai de 3 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013.

Lorsque la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 22 janvier 2014, il lui était donc possible de réclamer le paiement des créances salariales sur une période de 5 années, soit remontant jusqu'à la date du 22 janvier 2009.

 

La question posée devant la Cour de cassation a été de savoir quelle interprétation il fallait donner aux dispositions transitoires en matière de modification de la prescription des créances salariales de la loi 14 juin 2013.

 

Dans quelle mesure un demandeur peut-il bénéficier de l'ancienne prescription en matière salariale après l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 ?

 

Selon le nouvel article L.3245-1 du code du travail le point de départ du délai de prescription est le jour où celui qui exerce la demande a connaissance des faits (naissance de la créance) ou aurait du avoir connaissance des faits. La nouvelle durée légale de prescription est de 3 ans.

 

Toutefois, pour les prescriptions en cours au jour de la promulgation de la loi du 14 juin 2013 (article 21 V de la loi du 14 juin 2013, article 2222 al. 2 du code civil), cette nouvelle durée (de 3 ans) s'applique à compter de cette date sans que la durée de la prescription totale ne puisse dépasser l'ancienne prescription, soit 5 ans. L'action devant la juridiction prud'homale le 22 janvier 2014, qui interrompt la prescription, pouvait donc s'exercer sur l'ensemble des demandes de salaires postérieures au 22 janvier 2009.

 

La solution reprend une solution déjà dégagée par l'arrêt de la Chambre sociale du 9 décembre 2020 (n°19-12.788). Voir aussi sur ces dispositions transitoires : Soc. 15 mars 2023 (n°21-16.057), Soc. 30 mai 2018 (n°17-10.227).

Elle fait une distinction, au titre des dispositions transitoires, entre la prescription du droit (5 ans) et la prescription de l'action (3 ans).

 

 

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