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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 20:12

Le licenciement économique repose sur une définition qui a été largement remaniée au cours des dernières années. Force est de constater que la notion est complexe eu égard aux différents développements auxquels la cause de licenciement économique fait appel. 

 

Il est nécessaire de préciser plusieurs points quant à la notion de licenciement pour motif économique, qui font abstraction de la procédure en elle-même, qui nécessite des développements dans un prochain article.

 

Définition du licenciement économique à l'article L.1233-3 du code du travail :

 

" Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : (...) 

1°) A des difficultés économiques (...) 

2°) A des mutations technologiques (...)

3°) A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...)

4°) A la cessation d'activité de l'entreprise."

 

 

Premier écueil : l'exactitude du motif, non inhérent à la personne du salarié

 

Dans le licenciement pour motif personnel, le juge s'attache à vérifier que le motif allégué par l'employeur est le motif exact du licenciement.

C'est le cas également lorsqu'est invoqué un licenciement pour motif économique, dans lequel le juge s'attachera à vérifier que le motif économique ne cache pas, en réalité, un motif personnel indifférent du motif économique. 

 

Ainsi, l'employeur qui licencie un salarié pour un motif personnel (insubordination, absences) sous couvert d'un motif économique verra le licenciement considéré comme licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Il en est de même, en cas de pluralité de motifs. Le juge va s'attacher à déterminer quelle est la cause première et déterminante du licenciement, seule capable de justifier le licenciement.

Si la cause première est économique (suppression d'emploi ou modification du poste de travail) et qu'elle rend le salarié inapte, après formation, à occuper ce poste, le licenciement économique sera fondé.

En revanche, licencier un salarié pour inaptitude à occuper son emploi (motif personnel) alors que la cause première en est la cause économique (il est inapte à la transformation d'emploi occasionnée par une mutation technologique), entraîne que le licenciement est irrégulier.

 

Par exemple, un salarié refuse une mutation à Bayonne consécutive à une fermeture de site à Paris. Il s'agit bien d'une modification refusée de son contrat de travail consécutive à un motif économique. Il a par ailleurs des retards depuis 2 mois à son poste et a eu des reproches nombreux sur la qualité de son travail. 

Les deux motifs peuvent justifier un licenciement, il appartient à l'employeur de choisir le motif qui lui apparaît le plus approprié pour justifier un licenciement (dans la procédure choisie, et dans la lettre de licenciement), mais ne peut en aucun cas masquer l'un pour justifier l'autre.

Il entame une procédure de licenciement économique s'il décide de se placer sur le terrain de l'opposition du salarié aux conséquences de la fermeture du site à Paris.

Il entame une procédure de licenciement disciplinaire s'il décide de sanctionner le salarié fautif.

 

2ème exemple : l'employeur a du surmonter des difficultés économiques, le salarié qui fait l'objet d'un reclassement sur un nouveau poste, commet des fautes dans l'exécution de son contrat de travail (insubordinations, retards).

L'employeur ne pourra le licencier que pour licenciement personnel (disciplinaire), la cause première et déterminante du licenciement n'étant pas les raisons économiques qui ont modifié le poste de travail, mais l'attitude du salarié.

 

Une dernière précision s'impose : le motif économique est traditionnellement écarté lorsqu'un autre motif présent dispose de garanties pour le salarié, comme c'est le cas pour l'inaptitude en cas d'accident du travail.

Depuis l'arrêt du 15 septembre 2021 (n°19-25.613) cette règle ne vaut plus. Bien qu'en présence d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, le motif économique comme cause de licenciement est valable. 

Deuxième examen : existence d'une cause économique matérielle 

 

La matérialité du motif économique se traduit par un élément : la suppression ou transformation d'un emploi ou la modification du contrat de travail refusée par le salarié. Il faut préciser que la jurisprudence a pu s'attacher à établir que la suppression d'emploi devait s'entendre de manière assez libérale. 

En effet, elle juge qu'il importe peu que le volume global des emplois reste le même ou diminue. 

 

L'employeur peut ainsi faire disparaître un poste de travail en répartissant les tâches de ce dernier entre les différents salariés, et justifier l'existence d'un motif économique de licenciement.

 

La modification du contrat de travail refusée par le salarié est assimilée à une suppression d'emploi pour apprécier l'existence d'un motif économique.

Quoi qu'il arrive, la matérialité s'apprécie au niveau de l'entreprise (article L.1233-3 du code du travail).

 

 

Troisième examen : existence d'une cause économique explicative 

 

Il existe un autre niveau d'analyse pour qu'un motif économique soit valable. En effet, la cause matérielle doit être couplée à une cause économique explicative

Cette cause figure dans une liste de causes non limitative (utilisation de l'adverbe "notamment") que sont des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, la cessation d'activité.

 

Les difficultés économiques sont particulièrement développées par la loi. Elles se traduisent par les baisses de commandes ou du chiffre d'affaire ou des pertes d'exploitation.

 

Il est nécessaire de faire une précision quant à la cessation d'activité. En effet, la jurisprudence a pu dire que le juge n'était pas en mesure d'apprécier les choix de gestion pris par l'employeur qui souhaite fermer son entreprise.

Ainsi, un départ à la retraite, une fermeture en raison de l'âge ou de l'état de santé, sont des causes justificatives de licenciement économique.

 

En revanche, il a été jugé qu'une fermeture qui serait la résultante d'une faute ou d'une légêreté blâmable de l'employeur ne pourrait donner lieu à licenciement économique (le licenciement est alors sans cause réelle et sérieuse). 

Cette cause économique explicative s'apprécie au niveau du secteur d'activité des différentes entreprises du groupe qui exerce la même activité que l'entreprise, établies sur le territoire national, sauf fraude (article L.1233-3 du code du travail).

 

Quatrième remarque : le juge va vérifier l'existence du lien causal entre licenciement et suppression d'emploi et l'existence du lien causal entre la suppression d'emploi et la cause économique

 

 A ce titre l'examen du juge est très sévère et l'absence de ces deux liens de causalité rend le licenciement irrégulier.

D'une part, il vérifie le lien entre le licenciement et la suppression ou transformation d'emploi, ce qui implique que l'employeur ait rempli son obligation de reclassement et d'adaptation vis-à-vis du salarié.

http://ledroitdutravail.over-blog.com/2023/07/le-trois-obligations-de-reclassement-dans-le-licenciement-pour-motif-economique.html 

 

D'autre part, le juge va s'attacher à ce qu'il y ait un lien entre la suppression d'emploi et la cause économique explicative (difficultés économiques, sauvegarde de la compétitivité). Afin d'établir l'existence du motif économique, le juge ne doit pas se substituer à l'employeur pour établir les choix de gestion de son entreprise. C'est ce qui a été jugé par l'arrêt "SAT3 rendu en assemblée plénière le 8 décembre 2000.

Dans cet arrêt l'employeur était libre de choisir entre les trois scénarios établis par l'expert comptable, peu importe qu'il choisisse celui qui implique le plus de licenciements. En effet, les trois scénarios visaient à la sauvegarde de la compétitivité, et non davantage. Les licenciements prononcés n'étaient ainsi pas, selon la Cour de cassation, dépourvus de cause réelle et sérieuse.

 

Par ailleurs, en cas de faute, détournement de pouvoir ou légèreté blâmable, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, quelle que soit le scénario économique allégué. 

Mais attention, la faute ou la légèreté blâmable n'est pas appréciée de la même manière selon qu'on est face à une réorganisation (sauvegarde de la compétitivité) ou une cessation d'activité (voir plus haut).

Récemment la Cour de cassation a jugé que, dans le cadre d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, la seule erreur de gestion dans l'appréciation du risque n'est pas, à elle seule, constitutive d'une faute, de nature à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Soc. 4 nov. 2020, n°18-23.029). La Cour est moins sévère qu'en cas de cessation d'activité.

 

 

Cinquième remarque : la procédure de licenciement économique varie en fonction de savoir si le licenciement est individuel ou collectif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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