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2 août 2023 3 02 /08 /août /2023 21:30

Le motif de licenciement économique repose sur deux types de causes, l'une matérielle et l'autre explicative.

 

Cette cause explicative, on l'a vu, dans l'article précédent, est constituée par des difficultés économiques, des mutations technologiques, une menace sur la compétitivité ou bien la cessation pure et simple de l'activité de l'entreprise (article L.1233-3 du code du travail). 

 

Cette liste de causes, déjà fournie, n'est pas limitative.

 

Le juge se livre à apprécier l'existence de l'une ou l'autre des causes, comme par exemple dans cet arrêt Pages Jaunes du 11 janvier 2006 (Chambre sociale de la Cour de cassation, n°05-40.977)  où la Cour a admis l'existence d'un motif économique en présence d'une simple prévention de difficultés économiques, sans aucune difficulté économique existante au jour des licenciements, mais en présence toutefois d'une réelle menace sur la sauvegarde de la compétitivité.

 

La faute ou la légèreté blâmable constituent des cas d'exclusion du licenciement économique. L'appréciation de cette faute se heurte aux choix de gestion de l'employeur.

 

  • La faute ou la légèreté blâmable constitutives de cause exclusive du licenciement économique

Devant le conseil de prud'hommes, le juge se livre à un examen du motif économique pour vérifier qu'il s'agit d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Un employeur ne peut traditionnellement pas réaliser un licenciement économique, si les circonstances qui ont mené à la suppression ou transformation d'emploi ou la modification substantielle du contrat de travail refusée par le salarié, ont été causées par sa faute ou sa légèreté blâmable, ou un détournement de pouvoir (Soc. 26 février 1992).

 

Un autre arrêt fait écho à cette idée en disant que la cessation d'activité constitue un motif de licenciement économique sauf si cette cessation d'activité est due à la faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable (Soc. 16 janvier 2001).

L'arrêt "SAT" rendu en assemblée plénière du 8 décembre 2000 fait date en la matière puisqu'il semble marquer une certaine limite entre ce qui relève de la faute et ce qui relève d'une attitude normale non répréhensible (voir plus bas).

En effet, après cet arrêt, on attendait la jurisprudence pour savoir ce qui relevait de la faute ou non.

A l'heure actuelle, les règles ne sont pas encore fixées, et ce serait heureux qu'elle le soit davantage pour éviter l'insécurité juridique d'une lettre de licenciement économique qui entraînerait des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Récemment, il a été jugé que la liquidation judiciaire causant la cessation d'activité n'empêchait pas le salarié d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur, privative de cause réelle et sérieuse (Soc. 8 juillet 2020, n°18-26.140).

La faute est entendue strictement par la Cour de cassation. En effet, cette faute doit dépasser les seules erreurs de gestion pour être considérée comme privant le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 24 mai 2018, n°17-12.560, "Keyria").

Il en est de même s'agissant de difficultés économiques qui, bien qu'établies, sont dues à la légèreté blâmable de l'employeur (Soc. 22 sept. 2015, n°14-15.520).

Lorsqu'un employeur se laisse dépouiller volontairement d'une partie importante de son patrimoine contribuant à créer la mauvaise situation financière et les difficultés économiques au moment du licenciement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Soc. 9 oct. 1991, n°89-41.705).

 

En cas de fraude lorsque les difficultés économiques ont été intentionnellement et artificiellement créées (Soc. 12 janvier 1994, n°92-43.191).

 

Pour bien comprendre la faute de l'employeur, l'arrêt Keyria (Soc. 24 mai 2018, précité) a jugé que l'employeur avait fait remonter des dividendes de ses propres filiales françaises dans des proportions anormales réduisant considérablement les fonds propres de ces filiales et notamment de la société Keylia, placée alors en difficultés économiques. Les licenciements en résultant sont sans cause réelle et sérieuse en raison des fautes commises dépassant des simples erreurs de gestion.

 

 

 

 

  • La limitation au choix de gestion de l'employeur

La faute, comme l'a justement énoncé la Cour de cassation, ne saurait être constituée par les seuls erreurs de gestion commises par l'employeur (Soc. 4 nov. 2020, n°18-23.029).

La Haute Cour juge que la faute de l'employeur à l'origine de la menace sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais l'erreur dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.

Ainsi, elle fait écho à l'arrêt "SAT" du 8 décembre 2000, dans lequel les juges ont pu décider que le juge, au prétexte de préservation de l'emploi, ne pouvait se substituer à l'employeur dans ses choix de gestion dans la mesure où ces derniers permettent une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise (1). 

L'employeur était libre de choisir le scénario établi par son expert comptable qui prévoyait le plus de licenciements.

 

De manière plus générale, la Cour de cassation a jugé qu'en présence de difficultés économiques réelles et sérieuses, de mutations technologiques, d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ou d'une cessation d'activité totale et définitive, l'employeur ne peut pas être sanctionné pour ses choix de gestion, même lorsqu'ils résultent d'une erreur d'appréciation (Soc. 14 déc. 2005, n°03-44.380).

 

 

 

 

1. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007043454/

 

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