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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 22:36

Une salariée pharmacienne engagée en 1986 s'est vue licencier en 2011 et a demandé devant la juridiction prud'homale des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence. Cette clause insérée au contrat de travail prévoyait, pour la salariée, une interdiction, à la date de cessation de ses fonctions, d'exploiter une officine pendant une durée de 2 ans dans un périmètre géographique déterminé. 

 

La cour d'appel d'Amiens a débouté la salariée de ses demandes, en considérant que la clause contractuelle intervenait dans le cadre des prescriptions du code de la santé publique qui interdisent, sauf accord des parties, au pharmacien collaborateur d'exploiter une officine pendant une durée de 2 ans (articles R. 4235-37 et R. 5015-59). 

 

L'affaire a été portée devant la Cour de cassation qui a tranché la question de savoir si une clause contractuelle insérée dans un contrat de travail d'une pharmacienne collaboratrice pouvait ne pas comporter de contrepartie financière

 

Par arrêt du 23 mai 2017, la Chambre sociale de la cour de cassation juge que les dispositions réglementaires en la matière sont supplétives de la volonté des parties et qu'en présence d'une clause de non-concurrence insérée au contrat, il est impossible de déroger à l'obligation de prévoir une contrepartie financière.

 

I - L'exigence générale d'une contrepartie pécuniaire aux clauses contractuelles de non concurrence

 

A ) Le respect du principe fondamental de libre-exercice d'une activité professionnelle

 

Le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle est énoncé par l'article 6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966. L'article L. 1121-1 du code du travail vient pour sa part énoncer que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché". La chambre sociale juge par arrêts du 10 juillet 2002 qu'entre autres conditions, la "clause de non concurrence n'est licite que si elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière" (Soc. 10 juillet 2002). Un salarié peut librement demander la nullité de la clause de non-concurrence devant les tribunaux si une contrepartie minimale n'est prévue pour compenser la restriction imposée à sa liberté au travail. Cette nécessité est si impérieuse que le salarié peut invoquer l'illicéité de la clause de non-concurrence, même si celle-ci a été conclu à une époque où la jurisprudence n'exigeait pas de contrepartie financière, ce qui est le cas en l'espèce. En outre, le salarié peut demander des dommages et intérêts car la nullité de la clause crée nécessairement un préjudice.

Toutefois, l'on peut s'interroger de l'exigence d'une contrepartie financière dans le cas des contrats des pharmaciens collaborateurs.

 

B ) Une exigence de contrepartie financière pour les clauses insérées dans les contrats des pharmaciens 

Les contrats de travail des pharmaciens collaborateurs interviennent dans un contexte où les dispositions réglementaires encadrent l'exercice de la profession après la cessation des fonctions. Ce sont les articles R. 4235-37 et R. 5015-59 du code de la santé publique qui prévoient, pour le premier de ces articles, que le pharmacien "qui, soit pendant, soit après ses études, a remplacé, assisté ou secondé un de ses confrères durant une période d'au moins six mois consécutifs ne peut, à l'issue de cette période et pendant deux ans, entreprendre l'exploitation d'une officine ou d'un laboratoire d'analyses de biologie médicale où sa présence permette de concurrencer directement le confrère remplacé, assisté ou secondé, sauf accord exprès de ce dernier".

 

II ) Une exigence tempérée par les dispositions réglementaires applicables aux pharmaciens

 

A ) L'absence de contrepartie pour les contrats des pharmaciens sans clause de non concurrence

A défaut d'une clause précise mentionnée au contrat de travail, il semble que les dispositions réglementaires ne prescrivant pas de contrepartie pécuniaire s'appliquent au salarié. En revanche, en présence d'une clause contractuelle, cette disposition vaut dérogation aux prescriptions réglementaires et la clause est ainsi soumise aux conditions de la clause de non-concurrence qui doit, pour être valable, proposer une contrepartie financière. C'est la question qui se pose dans notre cas d'espèce. 

La cour d'appel juge que la clause ne prévoyant pas de contrepartie financière rentre dans le cadre des prescriptions réglementaires. La cour de cassation censure l'arrêt des juges du fond en considérant que dans la mesure où la clause figure dans le contrat de travail, elle déroge aux dispositions du code de la santé publique qui sont supplétives, et les exigences de droit commun inhérentes aux clauses de non-concurrence s'appliquent.

Cette position des juges judiciaires s'alignent sur la position adoptée par le Conseil d'Etat.

 

B ) Une position alignée sur la jurisprudence administrative

En ce sens, la juridiction suprême suit la position adoptée par le Conseil d'Etat en la matière. La Haute chambre administrative est saisie par la salariée qui estime que les dispositions du code de la santé publique sont illégales et soulève l'exception d'illégalité du deuxième article en  cause. Le Conseil d'Etat juge par arrêt du 17 octobre 2016 dans son troisième considérant "que ces dispositions [de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique] n'ont pas pour objet ou pour effet d'imposer ou d'autoriser la présence de certaines clauses dans les contrats conclus entre un pharmacien et un de ses salariés, mais seulement de prévoir que, dans le silence du contrat, les règles qu'elles énoncent doivent être respectées à titre d'obligations déontologiques entre membres de cette profession réglementée ;"(CE 17 octobre 2016, 389903).

Cette solution est à relativiser dans la mesure où l'interdiction réglementaire prévue par les articles du code de la santé publique ne visent que l'exploitation d'une officine. Elle ne vise pas le travail au sein d'une officine, ou de simple pharmacien. La clause de non-concurrence prévue contractuellement doit, à peine de nullité, prévoir une contrepartie financière. La convention collective nationale des pharmaciens d'officine ne prévoit pas une telle contrepartie financière.  

 


 

 

 

 

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