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15 août 2017 2 15 /08 /août /2017 13:51

Une salariée engagée en 1999 et occupant les fonctions de déléguée suppléante du personnel à compter de 2004 est licenciée pour faute lourde par lettre du 30 novembre 2012, après que l'inspecteur du travail autorise ce licenciement.

Elle est licenciée pour avoir détourné des fonds à des fins personnelles, chose qu'elle ne nie pas devant l'inspecteur du travail lorsque ce dernier apprécie la gravité de la faute. 

La cour d'appel de Nouméa par arrêt du 28 mai 2015 juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à verser à la salariée les diverses indemnités de rupture, car la lettre de licenciement ne mentionne pas les griefs reprochés à la salariée et ne fait pas référence à l'autorisation administrative de licenciement accordée par l'inspecteur du travail.

L'employeur reproche à l'arrêt de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors que l'inspecteur du travail autorise le licenciement et que cette autorisation est définitive, c'est-à-dire que les délais pour former les recours contre cette autorisation sont dépassés.

En outre, il fait grief à l'arrêt de considérer que la faute lourde n'est pas caractérisée en l'absence de preuve d'intention de nuire de la salariée, alors qu'en l'état d'une autorisation administrative de licenciement par l'inspecteur du travail devenue définitive, le principe de cette rupture ne peut plus être contesté en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.

 

La question qui se pose devant la cour de cassation est de savoir dans quelle mesure la lettre de licenciement doit être motivée en présence d'un licenciement d'un salarié protégé autorisé par l'inspecteur du travail.

 

La cour de cassation rejette le pourvoi et juge que s'agissant d'un salarié protégé dont l'autorisation administrative de licenciement est devenue définitive, " la lettre de licenciement est suffisamment motivée si elle fait référence, soit à l'autorisation administrative, soit au motif du licenciement pour lequel l'autorisation a été demandée ".

 

Une solution qui éclaire l'articulation entre l'autorisation administrative et la lettre de licenciement pour le licenciement d'un salarié protégé, et précise la contestation du licenciement entre le juge administratif et le juge judiciaire.

 

I ) L'articulation de l'autorisation administrative et de la lettre de licenciement pour le licenciement d'un salarié protégé

 

A ) Obligation de demander l'autorisation de l'inspecteur du travail en matière de licenciement d'un salarié protégé

 

La loi impose s'agissant d'un salarié protégé de demander l'autorisation de l'inspecteur du travail afin de pouvoir procéder à son licenciement. Une fois l'entretien préalable tenu, l'employeur doit, s'agissant, d'un représentant du personnel tel que délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise recueillir l'avis du comité d'entreprise sur la mesure du licenciement.

Ensuite, il doit saisir l'inspecteur du travail qui se livre à un contrôle du licenciement envisagé. Le licenciement ne doit pas revêtir de caractère discriminatoire et donc ne pas être en lien avec le mandat du salarié visé.

L'inspecteur du travail apprécie ensuite, s'agissant d'un licenciement disciplinaire, la gravité de la faute envisagée. La faute doit être d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation administrative de licenciement. 

L'inspecteur du travail accorde ou refuse l'autorisation demandée en motivant sa décision. Le silence vaut refus d'autorisation. A compter de la notification de la décision, un recours hiérarchique est ouvert dans les 2 mois ainsi qu'un recours contentieux auprès du tribunal administratif. Si le Ministre du travail est saisi dans le cadre du recours hiérarchique, ce dernier a 4 mois pour se prononcer, et dans les 2 mois suivant la décision de ce dernier, il est possible de faire un nouveau recours contentieux devant le juge administratif.

 

Passés ces délais, la décision est jugée définitive. La procédure individuelle auprès du salarié peut reprendre son cours normal.

 

B) Mention dans la lettre de licenciement de l'autorisation administrative de licenciement ou des motifs invoqués pour le licenciement

 

L'employeur est tenu pour licencier un salarié de lui notifier une lettre de licenciement qui doit, en principe mentionner les motifs de licenciement, qui ont déjà été évoqués à l'entretien préalable et exposés auprès de l'inspecteur du travail.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. A défaut d'énonciation des motifs de licenciement, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse (Soc. 29 novembre 1990).

L'exigence d'une lettre de licenciement qui mentionne les motifs est donc essentielle à respecter dans la procédure de licenciement et aucun employeur ne saurait s'en soustraire.

S'agissant d'un salarié protégé, la lettre de licenciement doit faire référence à l'autorisation administrative de licenciement accordée par l'inspecteur du travail, ou faire mention du ou des motifs pour lesquels l'autorisation a été demandée.

Condition alternative spécifique posée pour les salariés protégés qui s'explique par l'examen préalable par l'inspecteur du travail de la gravité suffisante de la faute pour laquelle le licenciement est demandé.

 

Les mentions de la lettre de licenciement d'un salarié protégé entraînent la question du contentieux et précisément la question de savoir comment se partagent les compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire.

 

II ) La contestation du licenciement entre le juge administratif et le juge judiciaire

 

A ) Prépondérance de la procédure administrative dans le licenciement d'un salarié protégé

 

La lettre de licenciement intervient à la suite d'une procédure administrative qui peut s'avérer longue et qui implique un certain examen approfondi de la part de l'inspecteur du travail (audition des témoins et de l'auteur de la faute).

Les mentions succinctes de la lettre de licenciement sont la résultante de ce que celle-ci n'intervient que lorsque l'autorisation de l'inspecteur du travail est définitive, c'est-à-dire après l'expiration des délais de recours.

Recours hiérarchique et intervention éventuelle du juge dans le cadre du recours contentieux sont suffisants pour juger de la gravité de la faute motivant le licenciement. 

En application de la séparation des pouvoirs, le conseil des prud'hommes ne peut plus être saisi du principe de la rupture.

" En l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'entreprise (Soc. 2 juin 2004).

 

Toutefois, l'on peut s'interroger de savoir si le juge judiciaire reste compétent pour juger, après coup, de la qualification de la faute par l'employeur dans la lettre de licenciement.

 

B ) Compétence des juges judiciaires pour la qualification de la faute lourde dans la lettre de licenciement

Pour un salarié protégé, l'inspecteur du travail apprécie si la faute est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Néanmoins, l'employeur reste ensuite libre, dans sa lettre de licenciement de qualifier si la faute est sérieuse, grave ou lourde.

La faute lourde est lourde de conséquences puisqu'elle prive le salarié de ses indemnités de rupture, indemnité de préavis, indemnité de licenciement et indemnité compensatrice de congés payés (article L. 3141-26 du code du travail).

S'agissant d'un salarié ordinaire, le juge judiciaire peut minorer la gravité de la faute constatée par un employeur en décidant qu'il n'y a pas de faute grave par exemple, ce qui permet au salarié d'obtenir devant le conseil de prud'hommes son indemnité de préavis (Soc. 13 janvier 1998, n°95-45450).

La faute lourde exige de la part de l'employeur la preuve d'une intention de nuire.

La question subsidiaire que pose cet arrêt est de savoir s'il est possible après autorisation administrative de licenciement de saisir le juge judiciaire non pas du principe de la rupture, mais pour minorer la faute invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement.

Ainsi, en ne prouvant pas l'intention de nuire l'employeur pourrait être redevable des indemnités qui sont retenues dans le cadre d'un licenciement pour faute lourde.

La réponse apparaît affirmative lorsque l'on observe la situation des salariés grévistes.

Les salariés grévistes ne peuvent être licenciés que pour faute lourde de grève. Or, pour ces derniers, le recours au juge prud'homal est ouvert après coup pour contester la faute lourde devant le juge judiciaire.

Certes l'inspection du travail autorise le licenciement (pour faute lourde de grève, qui n'est pas la même faute lourde que celle communément admise).

On peut donc aisément admettre que le salarié protégé agisse devant le juge prud'homal pour contester l'existence d'une faute lourde pour obtenir ses indemnités compensatrices de préavis notamment.

 

 

 

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commentaires

C
Bonne analyse, bravo.<br /> Je vais vous suivre.
Répondre
L
Merci Cimballi, l'activité est un peu plus réduite, mais elle reprendra très bientôt ! :)

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