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22 octobre 2015 4 22 /10 /octobre /2015 21:51
Démission : agir en justice pour la critiquer

En tant que salarié, l'acte de démissionner n'est pas une action irréversible. Lorsqu'elle a été provoquée, et n'est pas le fruit de la réflexion de l'intéressé, la démission peut toujours être remise en cause en justice par le salarié.

La jurisprudence reconnaît à ce dernier deux voies possibles.

D'une part, en agissant par le biais de l'action en nullité de la démission sur le terrain de la théorie générale des vices du consentement (I).
D'autre part, en faisant reconnaître à la démission équivoque le caractère d'une prise d'acte aux torts de l'employeur, produisant potentiellement les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (II).

I - Agir en nullité de la démission sur le terrain de la théorie générale des vices du consentement

La théorie générale des vices du consentement énoncée par les articles 1109 et suivants du Code civil permet d'attaquer tout acte juridique. La démission, acte juridique unilatéral visant à rompre le contrat de travail à l'initiative du salarié, peut donc être critiquée par le salarié devant les tribunaux pour erreur, violence ou dol. Bien que l'erreur soit difficilement concevable dans le domaine, la violence et le dol peuvent être admis s'agissant d'une démission. Des pressions morales, des actes de harcèlement, ou encore des manoeuvres dolosives de la direction ou de la hiérarchie peuvent amener le consentement du salarié à être vicié.

La conséquence, dans ces cas-là, est claire et précise : nullité de l'acte. Pour être précis, nullité de la démission stricto sensu, et non du contrat en lui-même. En d'autres termes, le salarié qui obtient la nullité de sa démission aura droit, en principe, à la poursuite de son contrat de travail et à la réintégration à son poste de travail.

La démission qui n'en est pas une a également un régime spécifique en droit du travail. C'est le cas lorsque l'on parle de démission équivoque, ou non sérieuse, ou provoquée.


II - Analyser la démission équivoque en une prise d'acte produisant potentiellement les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au fil du temps, la jurisprudence a admis que la démission doit être libre, sérieuse et non équivoque, pour être valable. En dehors de ses caractères de sérieux et de non équivoque qu'elle doit revêtir, la démission doit être avant tout libre par nature. Emise librement par le consentement du salarié et de lui seul, elle ne saurait avoir été provoquée par un élément extérieur, comme le comportement fautif de l'employeur (absence d'augmentation salariale, faits de harcèlement moral). Elle ne saurait être "équivoque" nous dit la jurisprudence (notamment arrêt Soc. 9 mai 2007, voir infra).

Notons que l'utilisation de ce terme est repris vaguement par les juges de la Cour de cassation.
Il y a une équivoque sur le terme "équivoque". Classiquement, Le caractère équivoque de la démission s'attache davantage à déduire d'un comportement une attitude donnée (ainsi, il n'y a pas de démission tacite : l'absence du salarié par exemple ne vaut pas volonté de démissionner, Soc. 20 oct. 1982). La jurisprudence la plus récente parle de "démission équivoque" pour qualifier la démission contrainte par une pression extérieure au salarié. En réalité, il serait plus juste de dire qu'elle doit être libre.

La question qui se pose devant les juges est de savoir ce qu'est cette démission équivoque, qui n'est plus une démission ?
Dans un arrêt du 9 mai 2007, la Cour de cassation semble répondre à cette question pour la première fois, même si l'on pouvait déjà déduire cette solution d'un des arrêts du 25 juin 2003 (01-43578, un des nombreux arrêts phares sur la prise d'acte). La démission équivoque s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.

Cette solution revêt du bon sens : en effet, la démission équivoque résulte d'un événement extérieur au salarié. Par conséquent, la démission n'est pas un acte unilatéral à l'initiative pure du salarié. Celui-ci ne fait que prendre acte de la rupture du contrat en raison d'un comportement fautif de l'employeur. En d'autres termes, il ne fait que tirer les conséquences du comportement fautif de l'employeur, en venant sanctionner, comme le fait le régime de la prise d'acte, la faute de ce dernier.

Il est logique alors que la cour de cassation applique à la démission équivoque le même régime que la prise d'acte dégagé par les arrêts de 2003 : si le comportement fautif de l'employeur justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et dans le cas contraire, d'une démission.

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