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7 octobre 2023 6 07 /10 /octobre /2023 11:53

Coup de tonnerre sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse du salarié, puisque la matière a été profondément remaniée avec les ordonnances de 2017 et son ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 instaurant un barême pour l'indemnisation du salarié dont le licenciement est jugé injustifié devant les tribunaux.

 

Pour ne pas faire languir trop le lecteur nous exposerons d'emblée les nouvelles règles (I) avant de faire un état des lieux du droit applicable avant en matière d'indemnisation du licenciement injustifié ou irrégulier (II).

 

I – Indemnisation du salarié irrégulièrement licencié actuellement

 

En matière d'indemnisation, la distinction entre les irrégularités de procédure (A) et l'absence de cause réelle et sérieuse est toujours pertinente (B).

 

A – Indemnisation des irrégularités de procédure

 

Les conditions d'effectif et d'ancienneté ne sont plus pertinentes pour ce qui est de l'indemnisation des irrégularités de procédure. Faire le cas à part d'une personne avec une ancienneté de moins de deux ans ou dans une entreprise à l'effectif de moins de onze salariés et dont le licenciement ne respecte pas les règles de procédure ou est irrégulier, semble désuet.

Au titre de l'article L.1235-2 du code du travail le salarié qui subit un manquement aux règles de procédure de licenciement (entretien, assistance par un conseiller du salarié) peut se voir accorder par le juge « une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ». Exit donc la distinction entre les salariés selon leur ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

L'article aussi prévoit que la sanction maximale de un mois s'applique en cas de violation d'une procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement, ce qui rompt avec la jurisprudence ancienne en la matière qui privait le licenciement de cause réelle et sérieuse.

 

Il est nécessaire de dire que les parties peuvent s'accorder sur une indemnisation forfaitaire lors d'une phase de conciliation.

Devant le juge, désormais, il n'est plus possible de demander l'accomplissement forcé de la procédure (jamais appliqué en pratique), pas plus qu'il n'est possible d'obtenir une réintégration forcée devant le juge des référés.

 

Il faut distinguer les irrégularités de procédure de l'absence des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, qui a fait l'objet de réformes, et dont il faudra parler dans un article ultérieur.

 

Rappelons enfin que la règle selon laquelle le fond absorbe la forme est toujours de rigueur, à la lecture de l'article L.1235-2 qui précise bien que les règles s'appliquent lorsque le licenciement intervient pour « une cause réelle et sérieuse ». C'est bien que l'article ne s'applique pas lorsque le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et qu'en pareille hypothèse, ce sont les règles sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s'appliquent (article L.1235-3 et suiv.)

 

La règle est donc simplifiée ce qui n'est pas le cas du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont les règles d'indemnisation sont profondément différentes d'avant.

 

B – L'encadrement de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse

 

L'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a profondément réformé les dispositions applicables. Il n'est d'abord plus possible pour le juge d'entrevoir la réintégration en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il n'est ensuite plus possible concernant les salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés que l'employeur rembourse aux organismes concernés les allocations chômage (art. L.1235-5 du code du travail). Pour les autres salariés, cette sanction demeure toutefois (article L1235-4 du code du travail)

C'est enfin sur l'indemnisation que la réforme a été la plus importante.

Aux six mois de salaires minimum (plus de deux ans et au moins onze salariés) et à l'indemnisation du préjudice subi (moins de deux ans ou moins de onze salariés, sauf manquement à la règle du conseiller du salarié) s'est substituée une indemnisation encadrée.

Le juge peut allouer une indemnisation encadrée par un tableau qui est mentionné à l'article L.1235-3 du code du travail.

L'indemnisation varie en fonction des années d'ancienneté du salarié et il y a une distinction selon que ce dernier travaille dans une entreprise de moins de 11 salariés ou de plus de 11 salariés.

La fourchette d'indemnisation s'agrandit avec les années d'ancienneté si bien que un salarié de moins d'un an d'ancienneté a droit à 1 mois maximum. Un salarié avec un an d'ancienneté peut se voir accorder une indemnité comprise entre 1 mois et deux mois de salaires bruts, un salarié avec 5 ans d'ancienneté a droit à une indemnité comprise entre 3 mois et 6 mois... Jusqu'au salarié qui a 30 ans d'ancienneté et plus dans une entreprise d'au moins 11 salariés, qui peut se voir accorder entre 3 mois et 20 mois.

 

La question qui émerge immédiatement est celle de savoir quel critère le juge va prendre en compte pour fixer l'indemnité ?

Premièrement, il s'agit d'indemniser le préjudice subi. Mais il n'est plus possible d'indemniser le préjudice entièrement qui est désormais plafonné. Il s'agit là de céder aux revendications des employeurs qui étaient incapables de chiffrer par avance la séparation avec un salarié et qui étaient dissuadés à embaucher, faute de prévisibilité.

Deuxièmement, la loi nous dit que le juge peut tenir compte des autres indemnités de rupture (en dehors de l'indemnité légale de licenciement), que sont les indemnités contractuelles ou conventionnelles qui peuvent parfois être plus importantes que les prévisions légales en la matière.

 

Toutefois, cette législation trouve une limite en cas de licenciement nul. En pareille hypothèse, le plafonnement légal de l'indemnisation est écarté et le plancher aussi... Puisque le juge doit alors accorder une indemnité minimale de six mois de salaires.

Dans quels cas cette mise à l'écart a-t-elle lieu ?

Ce sont les nullités de licenciement visées à l'article L.1235-3-1 qui sont concernées, à savoir la violation d'une liberté fondamentale, des faits de harcèlement moral ou sexuel, un licenciement discriminatoire (art. L.1132-4, L.1134-4), un licenciement consécutif à une action en justice pour faire respecter l'égalité professionnelle homme/ femme, ou à une dénonciation de crimes ou délits, un licenciement de salarié protégé en raison de l'exercice de son mandat, un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L.1225-71 et L.1226-13.

 

Floue, cette liste l'est notamment sur ce qu'il faut entendre par liberté fondamentale, ce qui n'est pas le cas par exemple du principe de non-discrimination en raison de l'âge qui n'est pas mentionné par le préambule de 1946 ni par la Constitution de 1958 (Soc. 15 nov. 2017).

 

Bien que critiqué au niveau international comme contraire à la Charte sociale européenne dans son article 24 (voir notamment une décision du 23 mars 2022 du CEDS), ce barème d'indemnisation a été validé par la Cour de cassation le 11 mai 2022.

 

Il reste à voir si ces barêmes trouveront pleinement application dans la pratique et si aucune voie de contournement ne sera empruntée. Il reste aussi à voir si le juge reverra à la baisse les indemnisations ou bien s'il prononcera le plafond de manière récurrente, et si oui, dans quels cas.

 

Cette situation actuelle résumée, il est intéressant de la comparer en faisant un état des lieux de la situation avant la réforme de l'indemnisation du licenciement injustifié. Pourquoi est-ce pertinent ? Car, les licenciements prononcés antérieurement au 24 septembre 2017, sont encore soumis à ces règles (voir article 40-I ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017).

 

II – Etat des lieux avant la réforme de l'indemnisation du licenciement injustifié

 

Il est nécessaire de faire une distinction entre deux types de manquements : l'indemnisation en cas de violation des règles de procédure de licenciement, et l'indemnisation en l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

 

A – La violation des règles de procédure de licenciement

 

Le licenciement dont les règles de procédure n'était pas respecté était sanctionné différemment selon l'effectif de l'entreprise et l'ancienneté du salarié.

Lorsque le salarié était employé dans une entreprise de moins de onze salariés ou bénéficiait d'une ancienneté inférieure à deux ans, il recevait une indemnisation du préjudice subi.

La jurisprudence ne faisait pas une réelle différence, pour ces types de salariés, entre le licenciement qui ne respectait pas les règles de forme (entretien, assistance par un conseiller du salarié...) et le licenciement qui ne respectait pas les règles de fond (cause réelle et sérieuse).

Dans l'un et l'autre cas le licenciement ouvrait droit « à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, préjudice résultant aussi bien de l'irrégularité du licenciement pour vice de forme que de fond » (Soc. 30 mai 1990, n°88-41.329).

En d'autres termes, c'est le juge qui appréciait l'ampleur de la réparation à allouer.

 

Le salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté et travaillant dans une entreprise d'au moins onze salariés avait droit à un autre traitement. Si la loi prévoyait divers types de sanctions (accomplissement forcé de la procédure, remboursement des allocations chômage, indemnisation), en pratique, la jurisprudence ne retenait que la sanction pécuniaire, une allocation maximale d'un mois de salaire.

Cette irrégularité de procédure ne s'appliquait que quand le licenciement était justifié (cause réelle et sérieuse). De jurisprudence constante, le fond absorbe la forme, de sorte qu'en absence de cause réelle et sérieuse, seule le fond sera sanctionné. Et c'est toujours le cas aujourd'hui.

 

En faisant le bilan de ces deux paragraphes, on peut avoir un certain doute, puisque les salariés qui ne remplissaient pas les conditions d'effectif et d'ancienneté pouvaient obtenir un traitement plus favorable, le montant de l'allocation n'étant pas limité par la loi.

 

Une exception existait s'agissant du manquement à une règle de procédure conventionnelle, puisque si celle-ci n'était pas respectée (exemple : défaut de consultation d'un organisme prévu par convention collective ou règlement intérieur), le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse (Soc. 28 mars 2000).

 

A cette exception près, l'indemnisation était toutefois plus dissuasive pour un licenciement injustifié.

 

B – L'indemnisation minimale de 6 mois de salaires en absence de cause réelle et sérieuse

 

Apprécions dans un premier temps pour quels salariés cette indemnisation minimale de 6 mois de salaires ne s'appliquait pas. On retrouve ici les deux conditions évoquées plus haut, puisqu'un salarié travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés ou ayant moins de deux ans d'ancienneté avait droit, en cas de licenciement injustifié, à l'indemnisation du préjudice réel (Soc. 25 sept. 1991). L'absence de cause réelle et sérieuse causait en elle-même un préjudice, les juges ne pouvaient allouer six mois de salaires automatiquement et devaient apprécier l'importance du préjudice. Cela pouvait être six mois de salaires dès l'instant où le juge considérait que le préjudice était de cet ordre. Cette indemnisation pour licenciement abusif avait une limite : le salarié qui ne s'était pas vu appliquer les règles sur l'assistance du salarié par un conseiller extérieur à l'entreprise bénéficiait du même régime que celui que nous allons voir désormais.

 

C'est la condition du salarié travaillant dans une entreprise d'au moins onze salariés et ayant au moins deux ans d'ancienneté qui avait le traitement qui nous intéresse le plus.

Trois sanctions étaient prévues à l'inégale importance : la réintégration du salarié qui ne pouvait être imposé par le juge si l'une ou l'autre des parties s'y opposait. Une indemnisation minimale de six mois de salaires. Il s'agissait d'une indemnité minimale qui pouvait être bien plus importante en cas de préjudice subi par le salarié, dont il appartenait à ce dernier de rapporter la preuve (abus, préjudice moral). C'est ce pan-là de la législation qui a fait l'objet de critiques et qui a été principalement revu par les réformes législatives.

La troisième sanction était le remboursement par l'employeur des allocations chômage dans la limite de six mois de salaires aux organismes concernés.

 

Pour conclure cette partie, il ne sera pas nécessaire de rappeler que les indemnisations étudiées s'ajoutent aux indemnités de rupture de tout licenciement (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de préavis).

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