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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 15:10
Port d'un piercing et contact avec la clientèle, licenciement

Un piercing est considéré comme un bijou, à ce titre il peut être enlevé. On peut donc l'assimiler à la tenue vestimentaire, qu'on peut enlever ou adapter plus ou moins à sa guise.

Il se distingue du tatouage par exemple, qui, lui, ne peut pas être enlevé et qui se rattache davantage à l'apparence physique.

La liberté de se vétir est une liberté individuelle mais n'est pas une liberté fondamentale (Cass. Soc. 28 mai 2003 n° 02-40273).

Cela veut dire qu'une atteinte injustifiée à cette liberté est sanctionnée par un licenciement abusif, et non par la nullité de ce licenciement comme c'est le cas quand une liberté fondamentale est atteinte.

En tant que liberté individuelle, oui, elle peut être restreinte par l'employeur, du moment que la restriction en cause est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

L'employeur a, en effet, le droit de protéger l'image de son entreprise. Ceci n'est pas un droit fondamental de l'employeur comme peut l'être la liberté d'entreprendre par exemple, mais c'est un droit qui peut justifier une atteinte à une liberté individuelle.

L'article L1121-1 nous dit qu'il est uniquement possible d'apporter aux droits et libertés individuelles des restrictions justifiées par la « nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché ». (Cour d’appel de Besançon, 9 octobre 2009 n° 08/01684)

Il est donc juridiquement possible, en principe, d'apporter des restrictions à la liberté de se vétir, en demandant à la salariée de retirer un piercing trop visible par exemple, quant elle est au contact avec la clientèle.

On l'a vu, le piercing s'assimile à la tenue vestimentaire.

S'agissant de la tenue vestimentaire, la jurisprudence est assez claire, mais elle s'apprécie au cas par cas.

Quand la tenue est incompatible avec les fonctions et conditions de travail (port de bermuda), elle peut être restreinte par l'employeur, qui, en pratique, avertit plusieurs fois son salarié, qui persiste dans l'arborage de sa tenue vestimentaire. (Soc. 28 mai 2003 précité)

Et précisément, quand l'emploi implique un contact avec la clientèle, l'employeur peut interdire à une salariée d'une agence immobilière de se présenter en survêtement, quand il constate que cette salariée est en contact avec cette clientèle (Soc. 6 novembre 2001, n° 99-43.988).

Par extension, on peut admettre logiquement que cette jurisprudence s'applique tout autant à tous les cas où la salarié est en contact avec les clients, comme au moment d'une visite d'appartement par exemple.

Néanmoins, la restriction du piercing n'est pas automatique lorsque le salarié est contact avec la clientèle.

La restriction doit être proportionnée au but recherché et justifiée par la nature de la tâche à accomplir.

Ce qui veut dire que le juge prud'homal, qui vérifiera si cette restriction est justifiée (Cass. Soc. 18 février 1998 n° 95-43491), s'attachera à la clientèle, et particulièrement à la façon dont les clients ressentent le port du piercing.

Ainsi, un arrêt de cour d'appel a pu juger, s'agissant d'un serveur de restaurant, que la clientèle pouvait se satisfaire d'un service assuré par un personnel dépourvu de classicisme (Cass. Soc. 23 juin 2010 n° 08-43866). En l'occurence, l'employeur avait déjà embauché précédemment un homme avec une crète, et ça ne lui avait pas posé de problème.

Dans une autre affaire, les juges ont admis une restriction s'agissant d'une photographe qui portait un piercing et un bandeau parce que la clientèle était attachée à des valeurs traditionnelles, et qu'une telle présentation donnerait une image défavorable dans ce contexte (Cour d’appel de Besançon, 9 octobre 2009 n° 08/01684 ).

Caractère discret de l'ornement ou pas ?

Il y a aussi une autre considération dont les juges tiendront compte, c'est de savoir si le piercing est plutôt discret ou pas. Dans le cas qu'on a évoqué plus haut du serveur de restaurant qui avait été renvoyé, on avait vu qu'il avait un simple piercing à l'arcade sourcillière relativement discret, ce qui contribuait à rendre la directive de l'employeur abusive.

En un mot, il ne faut pas que l'ornement soit incompatible avec l'exécution du contrat de travail.

Sur cette base a été admise une interdiction de porter des piercings pour une salariée d’un parc d’attraction devant porter des costumes d’époque (CA Paris 22e Ch. 03.04.2008-2008-368134)

...ou une crête iroquoise (CA Paris 22e Ch.. 07.01.1988)...

Il faut donc bien adopter une approche au cas par cas. Et si l'ornement apparaît « too much », là il est possible pour l'employeur de demander à son salarié de retirer son piercing, la restriction est justifiée :

  • possibilité pour un employeur de faire la remarque à son apprenti mécanique-carrossier que le piercing n'est pas compatible avec l'activité (Cour d’Appel de Lyon, 6 janvier 2012 n° 11/02286 )

Si la tenue de la salariée laissant apparaître des tatouages est provocante, et clairement incompatible avec l'exécution du travail demandé, l'employeur peut aussi demander d'adopter une tenue adéquate, et après ces remarques procéder à des sanctions disciplinaires :

  • c'est le cas s'agissant d'une serveuse ayant un habillement provocant avec des couleurs vives et laissant apparaître des tatouages (Cour d’appel de Nîmes 10 septembre 2013 n° 12/00015 )

Attention à ne pas fournir un motif discriminatoire

Toutefois, attention, dans la lettre de licenciement, de limiter le motif de licenciement à la tenue vestimentaire, et rien qu'à cela.

Il faut que le motif soit un manquement au fait de ne pas avoir une tenue sobre pour le travail, adéquat au contact avec la clientèle.

Si la réprimande se rattache à un reproche sur l'apparence physique, elle est prohibée au titre de l'article L1132-1 du code du travail, qui voit cette cause de licenciement comme un motif discriminatoire : « aucune personne ne peut faire l'objet d'un licenciement » ou autre sanction disciplinaire sur le motif « de son apparence physique ».

Ainsi la lettre de licenciement ne doit pas dire, en somme, que le licenciement intervient en raison d'une boucle d'oreille alors que « vous êtes un homme ». Elle ne doit pas rattacher le port du piercing à la personne elle-même.

La restriction doit se limiter, comme on l'a vu, à mentionner que le port du piercing est contraire à l'exigence d'une tenue sobre.

Conseil préalable : Mentionner l'exigence dans le règlement intérieur

Mais, ce n'est pas tout. Il faut entourer cette mesure d'un préalable. Il est nécessaire et indispensable de mentionner la restriction dans le règlement intérieur. L'interdiction de piercing trop visible par exemple devra être mentionnée pour l'objectif de préserver l'image de l'entreprise dans le contact avec la clientèle.

Faut-il un règlement intérieur pour une entreprise avec 1 seul salarié ? A vérifier...

Quid de la procédure de recrutement ?

On ne peut pas traiter la question du licenciement, sans évoquer la question de l'embauche.

L'article L1132-1 cité plus haut évoquant lui-même l'idée que nul ne peut être « écarté d'une procédure de recrutement » pour un motif discriminatoire, de manière directe ou indirecte.

S'agissant de l'apparence physique, la question est facile : peut-on écarter un candidat pour son apparence ? La réponse est non.

Pour un piercing, car c'est de l'ordre de la tenue vestimentaire ? La question peut se poser. Elle se posera toutefois difficilement, car très difficile à prouver. Difficile d'établir, en effet, que l'embauche a été refusé sur le motif du piercing. L'employeur a sa liberté de choisir ses salariés, sur la base de son pouvoir de direction.

En tous les cas, il sera plus facile, à l'embauche, d'écarter un candidat pour son manque de compétences et d'adéquation au poste, sans rentrer dans une considération vestimentaire.

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commentaires

B
Votre blog est quelque peu approximatif et orienté : Exemple :"Et précisément, quand l'emploi implique un contact avec la clientèle, l'employeur peut interdire à une salariée d'une agence immobilière de se présenter en survêtement, quand il constate que cette salariée est en contact avec cette clientèle (Soc. 6 novembre 2001, n° 99-43.988)." vous omettez de signaler que ce cas faisait suite à des avertissements préalables, de plus tous vos exemple sont féminins ?????? vos raccourcis prêtent à confusions et dans le droit la confusion n'a pas lieu d'exister!
Répondre
L
D'accord, vous êtes libre de faire un blog vous-même pour être moins approximatif et moins orienté, sur les droits des femmes par exemple.

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