Le salarié protégé encore... Il s'agit là d'étudier rapidement (et non dans le cadre d'un commentaire d'arrêt au sens universitaire) l'apport de l'arrêt de la Chambre sociale du 10 juillet 2002 sur la nullité de la transaction conclue avec un représentant du personnel :
http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007046535&fastReqId=144888286&fastPos=1
Un plan de commentaire peut nous venir à l'idée à la lecture de cet arrêt:
I - La transaction, objet de l'autorisation administrative de licenciement
A ) Une procédure obligatoire en matière de transaction
B ) Une procédure nécessairement postérieure au licenciement
II - La nullité absolue d'ordre public de toute transaction conclue avant licenciement
A ) Le principe d'une nullité absolue en raison du mandat
B ) Les conséquences restitutives de la nullité
Sans développer ici le corps du sujet, l'arrêt appelle quelques observations.
Une procédure obligatoire
Dans les faits, un représentant du personnel titulaire de plusieurs mandats (DS, DP, CE) avait signé une transaction avec son employeur prévoyant des sommes importantes en contrepartie de son engagement de démissionner.
En clair la cour de cassation vient sanctionner cette pratique: il n'est pas possible de signer une transaction pour éviter la procédure de licenciement impliquant la demande d'autorisation administrative de licenciement auprès de l'inspecteur du travail.
La transaction n'était possible que lorsque le salarié n'était plus dans l'entreprise :
- elle était donc valable après un licenciement annulé pour lequel le salarié protégé refusait la réintégration afin de régler les conséquences pécuniaires de la rupture (Soc. 5 février 2002, N. 99-45.861)
- et elle était nulle s'agissant d'un licenciement annulé pour lequel le salarié protégé faisait le choix d'une réintégration dans son emploi (Soc. 3 avril 2001, N. 98-46.419)
Ici, le message de la cour de cassation est clair: interdire directement toute transaction conclue avant le licenciement d'un salarié protégé.
Une transaction postérieure au licenciement
En ce sens elle s'aligne sur la position générale en matière de transaction.
La transaction est issue de l'article 2044 du code civil. C'est une convention qui vient régler les conséquences pécuniaires d'une rupture et mettre fin à toute contestation née ou prévenir toute contestation à naître.
Postérieure à la rupture du contrat de travail signifie que la transaction est valablement conclue "à la réception de la lettre de licenciement" par le salarié (voir notamment Soc. 31 mai 2011).
S'agissant d'un salarié simple, la cour de cassation avait déjà énoncé la règle de la postériorité en 1996 (Soc. 29 mai 1996, N.92-45.115:http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do? ldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007037317&fastReqId=2109190636&fastPos=93). Solution logique car la transaction vient régler les conséquences du licenciement. Pour cela il faut donc que la rupture soit intervenue et soit définitive.
On peut se dire aussi qu'un salarié ne peut légalement par avance renoncer aux droits qu'il tient de son licenciement (article L1231-4 du code du travail).
Le principe d'une nullité absolue en raison du mandat
La cour de cassation institue une nullité absolue d'ordre public du fait que "la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée non dans le seul intérêt de ces derniers, mais dans celui de l'ensemble des salariés". Elle prolonge ainsi le raisonnement de la jurisprudence Perrier en tirant les conclusions en matière de transaction.
La nullité absolue s'agissant d'un salarié protégé a donc une double conséquence:
- la prescription de l'action est plus longue
- les personnes ayant un intérêt à agir sont plus nombreuses : on peut à juste titre imaginer qu'en cas d'inaction du salarié protégé lui-même, tout salarié puisse agir en nullité de la transaction conclue avant licenciement et autorisation.
Les conséquences restitutives de la nullité
Il ne faut pas ici confondre la nullité de la transaction et la nullité du licenciement. Si l'employeur est obligé de licencier, la transaction est nulle. L'engagement de démissionner est nul, mais également toutes les sommes prévues par la transaction. Le salarié est donc tenu de "restituer à l'employeur la somme qu'il" a "perçue en exécution d'un acte nul".
Pourquoi ne pas conclure une convention de rupture ?
Puisque la transaction risque d'être annulée, pourquoi ne pas simplement signer une convention de rupture, qui rompt le contrat à l'amiable?
Il y a deux raisons:
- un intérêt pratique de la transaction : elle n'est pas attaquable devant les tribunaux puisque la transaction éteint toute contestation née ou à venir de la rupture du contrat de travail. A l'inverse, une convention de rupture amiable peut être attaquée après sa signature. On comprend mieux que certains employeurs aient donc été tentés de signer des transactions dans lesquels les salariés s'engageaient à démissionner, avec la garantie qu'il n'y aurait aucun contentieux.
- le formalisme de la rupture amiable depuis 2008 : la rupture conventionnelle d'un salarié protégé fait l'objet d'une demande d'homologation auprès de l'inspecteur du travail et non de la DDTEFP comme pour les salariés simples (circulaire DGT du 22 juillet 2008, p.8). Pas besoin alors d'envoyer une demande distincte d'autorisation de licenciement (il ne s'agit pas d'un licenciement ou d'une rupture à l'initiative de l'employeur). Mais il y a un formalisme que n'a pas à respecter la transaction.