La cour de cassation vient de publier son rapport annuel d'activité pour 2012 dans lequel la chambre sociale a
mentionné 26 arrêts qui devaient attirer l'attention parmi les 3575 rendus, et les 342 publiés. Nous allons en répertorier 24 ci-après pour voir ce qu'il faut retenir pour cette année qui vient de s'écouler.
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1 ) Durée raisonnable d'une période d'essai : L'arrêt du 11 janvier 2012 juge qu'une période d'essai d'un an renouvellement inclus est déraisonnable. Cette règle existe depuis 2006, en application de la convention OIT 158, et vient confirmer un arrêt de 2009 en ce sens (période d'essai de 6 mois). Tous les litiges qui sont nés avant la loi du 25 juin 2008 sont régis par cette jurisprudence.
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2 ) Conditions d'existence de la convention de forfait en jours : l'arrêt du 31 janvier 2012 confirme la jurisprudence selon laquelle la validité d'une convention de forfait en jours doit être appréciée au regard de l'ensemble du dispositif légal et conventionnel applicable (Soc. 29 juin 2011). Et si les accords collectifs de branche et d'entreprise applicables ne prévoient pas d'assurer le respect des règles impératives en matière de durée du travail et du temps de repos (règles européennes), les conventions de forfait en jours sont privées d'effet. Les heures effectuées au-delà de la durée maximale de travail peuvent donc être payées en heures supplémentaires.
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3 ) Cadre dirigeant et direction de l'entreprise : l'arrêt du 31 janvier 2012 vient préciser que la condition supplémentaire pour être cadre dirigeant aux conditions posées par l'art. L3111-2 du code du travail, est celle de participer à la direction de l'entreprise
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4 ) Statut de travailleur de nuit : l'arrêt du 7 mars 2012 donne les conditions d'application du statut de travailleur de nuit. Ce sont les heures programmées par le bulletin de paie ou le contrat de travail et non les heures effectivement réalisées qui sont prises en compte pour l'application du statut.
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5 ) Dommages et intérêts pour congés non pris : l'arrêt de revirement du 13 juin 2012 se prononce sur les conditions dans lesquelles un salarié peut demander dédommagement lorsqu'il n'a pas pu prendre ses congés pendant sa période de travail. Alors qu'avant il lui appartenait de rapporter la preuve que c'est l'employeur qui avait rendu sa prise de congés impossible (Soc. 12 mars 2008), il a désormais droit à des dommages et intérêts dès lors que ce dernier ne justifie pas avoir pris les mesures propres à assurer la prise de congés du salarié.
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6 ) Rémunération minimum et temps de pause : les 2 arrêts du 21 mars 2012 précisent la rémunération du temps pendant lequel le salarié n'est pas à la disposition de l'employeur. C'est une confirmation d'une jurisprudence constante qui veut que la rémunération en prime de ce temps, qui ne peut être considéré comme temps de pause, ne rentre pas dans l'assiette du salaire qui doit être comparé au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
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7 ) Harcèlement et mauvaise foi : l'arrêt du 7 février 2012 traite de l'immunité accordée au salarié qui dénonce des faits de harcèlement. Il rappelle que cette immunité suppose la bonne foi, et que la mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance qu'in fine les faits dénoncés ne sont pas établis (soc. 10 mars 2009). Il ajoute que la mauvaise foi n'est établie que si le salarié connaissait la fausseté des faits au moment où il les a dénoncés.
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8 ) Unité économique et sociale (UES) : l'arrêt du 31 janvier 2012 énonce qu'un jugement sur une demande de reconnaissance judiciaire d'une UES est toujours susceptible d'appel. Depuis la loi du 20 août 2008, la demande en UES n'a pas à se faire à l'occasion d'un litige éléctoral pour lequel le tribunal a compétence en dernier ressort. La demande en UES devient donc indéterminée, et à ce titre, est susceptible d'appel comme le veut l'article 40 du CPC.
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9 ) absence de qualité de l'employeur pour contester la représentativité d'un syndicat
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10 ) Représentant syndical au comité d'entreprise (RSCE) et liste commune : l'arrêt du même jour porte sur la possibilité accordée à des syndicats ayant constitué une liste commune qui a obtenu au moins deux élus au comité d'entreprise de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement. Cette solution va dans le sens d'une interprétation de la loi et des précisions jurisprudentielles en faveur des regroupements syndicaux.
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11) Représentativité des syndicats : l'arrêt du 29 février 2012 se prononce sur l'appréciation des critères de la représentativité d'un syndicat de l'article L2121-1 du code du travail. Ils doivent tous être satisfaits mais ne sont pas placés sur un même plan. Les 5 premiers critères doivent être appréciés de manière autonome (respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de 2 ans, audience de 10% minimale), et ensuite la représentativité est appréciée au regard de l'ensemble des critères.
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12 ) Salarié mis à disposition et représentant de la section syndicale : l'arrêt du même jour prévoit la possibilité pour un salarié mis à disposition d'être désigné représentant de la section syndicale (RSS). S'il remplit les conditions pour être inclus dans l'effectif de l'entreprise, rien ne l'empêche de devenir RSS (alinéa 8 préambule Constitution). Seules les fonctions représentatives lui sont interdites (CE).
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13 ) Affiliation confédérale d'un syndicat : l'arrêt du 12 avril 2012 souligne l'importance pour un syndicat de mentionner son affiliation confédérale pour bénéficier des avantages de celle-ci
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14 ) Protocole préélectoral et compétence des tribunaux : l'arrêt du 26 septembre 2012 statue sur le partage des compétences entre ordre judiciaire et ordre administratif concernant les litiges relatifs au protocole préélectoral. La saisine de la DIRECCTE suspend le processus électoral. Les mandats sont alors prorogés de plein droit jusqu'au 1er tour. La participation s'entend en outre de la seule présence des syndicats. Voir notre commentaire en ce sens.
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1855_26_24180.html
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15 ) Conditions d'élection au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) : l'arrêt du 29 février 2012 précise les conditions d'élection au CHSCT
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16 ) CHSCT par secteur géographique : l'arrêt du 12 avril 2012 précise la possibilité de constituer des CHSCT par secteur géographique et non par secteur d'activité.
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17 ) Statut protecteur et mandat extérieur en l'absence d'information de l'employeur : l'arrêt du 14 septembre 2012 précise que le salarié titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise (administrateur d'une caisse de sécurité sociale, conseiller prud'hommes..) dont l'employeur n'avait pas connaissance ne pouvait se prévaloir d'une protection dès lors qu'il n'en a pas informé ce dernier lors de l'entretien préalable au licenciement (et pour une mise à la retraite, lorsque le salarié est avisé par l'employeur de son intention de le mettre à la retraite- le salarié devra signifier à l'employeur qu'il détient un mandat extérieur à l'entreprise).
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18 ) Contrôle de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise par les juges : l'arrêt du 27 mars 2012 statue pour la première fois sur l'utilisation qui pouvait être faite du budget de fonctionnement du comité d'entreprise (qui s'oppose au budget destiné aux activités sociales et culturelles). Celui-ci doit être destiné aux membres du comité d'entreprise et revêtir un caractère économique, ce qui n'est pas le cas de prise en charge de nature syndicale (actions de formations notamment).
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19 ) Conditions de forme de la prise d'acte : l'arrêt du 16 mai 2012 vient préciser les conditions de forme de la prise d'acte de la rupture par le salarié. La chambre sociale vient réaffirmer que cette prise d'acte n'étant soumise à aucune condition de forme, elle peut être présentée par l'avocat du salarié. Mais elle ajoute que cette prise d'acte n'est valable qu'à la condition qu'elle ait été présentée directement à l'employeur.
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20 ) Imprévisibilité de la force majeure : la force majeure permet à l'employeur de rompre le contrat du salarié en s'exonérant des obligations nées de la rupture du contrat de travail (règles du licenciement principalement). Cette force majeure depuis 2003 s'entendait d'un événement irrésistible et extérieur empêchant la poursuite du contrat de travail, sans qu'il n'ait à être imprévisible, comme il est exigé traditionnellement. L'arrêt du 16 mai 2012 abandonne cette position en s'alignant sur la décision d'assemblée plénière de 2006 en prévoyant que la force majeure doit s'entendre de trois caractères : extériorité, irrésistibilité et imprévisibilité.
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21 ) Nullité du licenciement économique pour absence ou insuffisance du plan de reclassement : l'arrêt du 3 mai 2012 vient rappeler la nullité de l'article L1235-10 en cas d'absence ou d'insuffisance du plan de reclassement qui frappe le plan social et tous ses actes subséquents (Soc. 13 février 1997). Elle réaffirme que la nullité du licenciement en tant qu'acte subséquent du plan social, n'est possible que dans le seul cas d'absence ou d'insuffisance du plan de reclassement qui s'intègre à ce dernier. Elle ne peut venir sanctionner l'absence de cause économique du licenciement.
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1299_3_23208.html
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22 ) Appel et jugement d'une reconnaissance d'UES : en raison des changements intervenus par la loi de 2008, la demande en reconnaissance d'une UES devant un tribunal est susceptible d'appel, comme l'en juge désormais l'arrêt du 31 janvier 2012.
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/338_31_22098.html
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23 ) Contentieux de la représentativité hors scrutin et exclusion du délai de quinze jours : l'arrêt du 31 janvier 2012 dit qu'en dehors d'un scrutin, la contestation de la représentativité d'un syndicat n'est pas subordonnée au délai de forclusion de 15 jours
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24 ) Clause du contrat de travail prévoyant une conciliation : l'arrêt du 5 décembre 2012 juge qu'une clause du contrat de travail peut prévoir une conciliation préalable à la saisine du juge, mais ne peut interdire les parties de saisir directement le juge prud'homal. Cette solution s'explique en raison des règles spécifiques du droit du travail visant à protéger la partie la plus faible, et en raison de la procédure prud'homale qui prévoit une conciliation préalable au jugement.