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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 18:31

Le salarié protégé encore... Il s'agit là d'étudier rapidement (et non dans le cadre d'un commentaire d'arrêt au sens universitaire) l'apport de l'arrêt de la Chambre sociale du 10 juillet 2002 sur la nullité de la transaction conclue avec un représentant du personnel :
http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007046535&fastReqId=144888286&fastPos=1 

Un plan de commentaire peut nous venir à l'idée à la lecture de cet arrêt:

I - La transaction, objet de l'autorisation administrative de licenciement

A ) Une procédure obligatoire en matière de transaction

B ) Une procédure nécessairement postérieure au licenciement

II - La nullité absolue d'ordre public de toute transaction conclue avant licenciement

A ) Le principe d'une nullité absolue en raison du mandat

B )  Les conséquences restitutives de la nullité

Sans développer ici le corps du sujet, l'arrêt appelle quelques observations.

 

Une procédure obligatoire

Dans les faits, un représentant du personnel titulaire de plusieurs mandats (DS, DP, CE) avait signé une transaction avec son employeur prévoyant des sommes importantes en contrepartie de son engagement de démissionner.

En clair la cour de cassation vient sanctionner cette pratique: il n'est pas possible de signer une transaction pour éviter la procédure de licenciement impliquant la demande d'autorisation administrative de licenciement auprès de l'inspecteur du travail. 

La transaction n'était possible que lorsque le salarié n'était plus dans l'entreprise :

- elle était donc valable après un licenciement annulé pour lequel le salarié protégé refusait la réintégration afin de régler les conséquences pécuniaires de la rupture (Soc. 5 février 2002, N. 99-45.861) 

- et elle était nulle s'agissant d'un licenciement annulé pour lequel le salarié protégé faisait le choix d'une réintégration dans son emploi (Soc. 3 avril 2001, N. 98-46.419)

Ici, le message de la cour de cassation est clair: interdire directement toute transaction conclue avant le licenciement d'un salarié protégé.

 

Une transaction postérieure au licenciement

En ce sens elle s'aligne sur la position générale en matière de transaction.

La transaction est issue de l'article 2044 du code civil. C'est une convention qui vient régler les conséquences pécuniaires d'une rupture et mettre fin à toute contestation née ou prévenir toute contestation à naître.

Postérieure à la rupture du contrat de travail signifie que la transaction est valablement conclue "à la réception de la lettre de licenciement" par le salarié (voir notamment Soc. 31 mai 2011).

S'agissant d'un salarié simple, la cour de cassation avait déjà énoncé la règle de la postériorité en 1996 (Soc. 29 mai 1996, N.92-45.115:http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do? ldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007037317&fastReqId=2109190636&fastPos=93). Solution logique car la transaction vient régler les conséquences du licenciement. Pour cela il faut donc que la rupture soit intervenue et soit définitive.

On peut se dire aussi qu'un salarié ne peut légalement par avance renoncer aux droits qu'il tient de son licenciement (article L1231-4 du code du travail).

 

Le principe d'une nullité absolue en raison du mandat

La cour de cassation institue une nullité absolue d'ordre public du fait que "la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée non dans le seul intérêt de ces derniers, mais dans celui de l'ensemble des salariés". Elle prolonge ainsi le raisonnement de la jurisprudence Perrier en tirant les conclusions en matière de transaction.

La nullité absolue s'agissant d'un salarié protégé a donc une double conséquence:

- la prescription de l'action est plus longue

- les personnes ayant un intérêt à agir sont plus nombreuses : on peut à juste titre imaginer qu'en cas d'inaction du salarié protégé lui-même, tout salarié puisse agir en nullité de la transaction conclue avant licenciement et autorisation.

 

Les conséquences restitutives de la nullité

Il ne faut pas ici confondre la nullité de la transaction et la nullité du licenciement. Si l'employeur est obligé de licencier, la transaction est nulle. L'engagement de démissionner est nul, mais également toutes les sommes prévues par la transaction. Le salarié est donc tenu de "restituer à l'employeur la somme qu'il" a "perçue en exécution d'un acte nul". 

 

Pourquoi ne pas conclure une convention de rupture ?

Puisque la transaction risque d'être annulée, pourquoi ne pas simplement signer une convention de rupture, qui rompt le contrat à l'amiable?

Il y a deux raisons:

- un intérêt pratique de la transaction : elle n'est pas attaquable devant les tribunaux puisque la transaction éteint toute contestation née ou à venir de la rupture du contrat de travail. A l'inverse, une convention de rupture amiable peut être attaquée après sa signature. On comprend mieux que certains employeurs aient donc été tentés de signer des transactions dans lesquels les salariés s'engageaient à démissionner, avec la garantie qu'il n'y aurait aucun contentieux.

- le formalisme de la rupture amiable depuis 2008 : la rupture conventionnelle d'un salarié protégé fait l'objet d'une demande d'homologation auprès de l'inspecteur du travail et non de la DDTEFP comme pour les salariés simples (circulaire DGT du 22 juillet 2008, p.8). Pas besoin alors d'envoyer une demande distincte d'autorisation de licenciement (il ne s'agit pas d'un licenciement ou d'une rupture à l'initiative de l'employeur). Mais il y a un formalisme que n'a pas à respecter la transaction.

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commentaires

M
Bonjour,<br /> Pouvez-vous m’éclairer sur le délai de prescription, en demande d'une nullité de transaction.<br /> J'ai lu que le délai de prescription courrait a partir du moment où l'on a eu connaissance des éléments permettant d'exercer ce doit, mais je ne retrouve plus. <br /> Vous remerciant
Répondre
M
Bonjour, <br /> <br /> Excellent article!<br /> Et bravo pour votre blog, que je partage!<br /> <br /> Amicalement<br /> Mohamed
Répondre
L
Merci Mohammed ! C'est très aimable à vous
P
Vous avez parfaitement raison sur un plan juridique. Mais sur un plan pratique :<br /> - si les deux parties sont d'accord,<br /> - que l'autorisation est accordée par l'inspecteur du travail (le salarié ayant fait en sorte qu'il en soit ainsi),<br /> - que le licenciement est prononcé,<br /> - et qu'une transaction datée postérieurement au licenciement apparaît,<br /> Croyez vous que l'une des parties viendra dénoncer la transaction ? Et qui d'autre pourrait avoir connaissance des faits permettant une demande de nullité ?<br /> Bien sûr, en théorie il y a un risque et nous ne pouvons pas recommander de le prendre, mais en pratique... Etes-vous sûr que cela ne se fasse jamais ?
Répondre
L
<br /> <br /> Bonjour Pierre,<br /> <br /> <br /> merci pour ce commentaire ! C'est une très très bonne question qui va permettre une précision sur la question que l'article n'apportait pas.<br /> <br /> <br /> Faites bien attention à ce qui suit.<br /> <br /> <br /> Tout d'abord sur la valeur de la date.<br /> La date n'est pas certaine, et la valeur de l'acte sous seing privé que représente la transaction au niveau de sa signature ne fait foi que jusqu'à preuve du contraire. Ce sont les règles<br /> classiques du droit probatoire qui s'appliquent (article 1315 et suiv. du code civil). La preuve sera d'autant plus facilitée qu'en droit du travail le doute profite au salarié. Une partie pourra<br /> rapporter la preuve de la date de l'acte, mais si l'autre partie vient démontrer que la date n'est pas certaine, celle-ci ne sera plus valable.<br /> ça c'est pour le côté théorique.<br /> En pratique, la personne qui voudra remettre en cause la date figurant dans la transaction pour bien prouver qu'elle a été post-datée pourra par exemple envoyer un courrier dénonçant cette même<br /> transaction et sa date, en l'adressant antérieurement à celle-ci. Comme c'était le cas dans cet arrêt d'appel<br /> (http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000018634789&fastReqId=1242770016&fastPos=1).<br /> <br /> <br /> La transaction était post datée du 17 et le salarié envoyait un courrier daté de la veille pour dénoncer cette post date. En l'espèce la cour d'appel en a bien décidé que la date n'était pas<br /> certaine, que la transaction était intervenue postérieurement, et que donc elle était nulle, car rappelons-le, la transaction ne peut intervenir que lorsque la rupture est intervenue de manière<br /> définitive puisqu'elle a pour objet de venir régler les conséquences de celle-ci (elle ne peut donc intervenir le jour de l'entretien par exemple).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Maintenant, et on en vient à la deuxième question que soulève votre commentaire: qui peut agir?<br /> Concernant des salariés protégés, la nullité est d'ordre public absolu car la protection en leur faveur a été instituée dans l'intérêt de l'ensemble des salariés. Or comme l'énonce l'article<br /> 1129-2 du Code civil, toute personne ayant intérêt à agir, ainsi que le juge qui peut la relever d'office peut se prévaloir de la nullité absolue, mon cher Pierre.<br /> <br /> <br /> Par conséquent, ici, tout salarié, et non seulement le salarié protégé par la transaction, mais aussi l'employeur, ainsi que le juge (à l'occasion d'un autre litige sur la transaction par<br /> exemple) pourront agir pour prouver par tous moyens que la date a été post-datée.<br /> <br /> <br /> Il en résulte que même si les deux parties sont d'accord au moment de la post-signature, c'est courir un énorme risque de laisser perdurer un acte vicié de la sorte. Car toute personne intéressée<br /> pourra intervenir en justice pour faire démontrer par un moyen de preuve simple (comme un courrier précédent la date de la transaction, ou le fait qu'il avait connaissance de cette transaction<br /> avant la rupture de ce contrat par un témoignage, etc etc) que la transaction était post datée, ce qui entraînera la nullité de la transaction. Nullité absolue qui peut être critiquée dans un<br /> délai de prescription de 10 ans à compter de la transaction et qui entraînera pour le salarié obligation de restitution des indemnités transactionnelles.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
P
Le licenciement d'un salarié protégé est toujours compliqué, même s'il y a volonté commune de rompre le contrat de travail.<br /> Si les deux parties veulent passer un accord avant un licenciement, elles peuvent (sans que ce soit bien légal naturellement) signer une transaction post datée par rapport à la date prévue du<br /> licenciement. Pour un salarié protégé, il faudra calculer large au niveau des délais. Concernant la sécurisation de l'opération, il est possible de confier les exemplaires signés à un huissier<br /> choisi d'un commun accord avec mission de remettre un exemplaire à chacune des partie (avec un chèque pour le salarié), à une date prédéfinie.
Répondre
L
<br /> <br /> La pratique de la transaction post datée est nulle depuis 1992 concernant un salarié protégé. <br /> <br /> <br /> Je suis disponible si vous avez d'autres questions.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
R
Bonjour,<br /> merci pour ces précisions ! Accepteriez-vous de témoigner sur le thème de la rupture conventionnelle et de la transaction, avantages et inconvénients pour notre site ?
Répondre
L
<br /> <br /> Absolument ! comment puis-je vous contacter ? Merci<br /> <br /> <br /> <br />

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